
Le 22 decembre 2012, Une vague de tweets homophobes, sous couvert d'humour et réunis sous le mot-clé #Simonfilsestgay, a contaminé la plateforme de microblogging Twitter. Le fameux mot-clé était en tête des sujets les plus importants à 17 heures. Un phénomène qui n'est pas sans rappeler dans sa forme la vague antisémite qui s'était emparée du même réseau social en octobre dernier.
«Si mon fils est gay, je le mets au micro-ondes».
Sur ce modèle, des centaines de tweets, parfois beaucoup plus insultants et graveleux, ont été postés ce samedi. Le principe semble être de trouver la pire destinée au fameux «fils gay» : «Je le jette dans l'Atlantique», «Je l'envoie chez les terroristes», «Je l'échange contre une paire de Timberland», «il sort de chez moi», «c'est pas mon fils». Dans cette course à l'imbécilité, certains vont un cran plus loin : «je l'interne en asile psychiatrique», «je le tabasse». Et bien pire encore...
#SiMonFilsEstGay j'lui fait un lavage de cerveau
— Rim'K (@RimK_B9) December 22, 2012
Le hashtag peu à peu détourné en hommage
Face à ce phénomène, de nombreux twittos se sont indignés, certains appelant carrément à dresser une liste des tweets incriminés dans le but de porter plainte. D'autres ont plus simplement tenté de jouer le jeu en renversant la vapeur. Des posts reprenant le fameux hashtag et terminant par « je l'aime quand même», «il fait ce qu'il veut» ou encore «bah on sera deux» ont ainsi fleuri au fur et à mesure.
Des personnalités se sont également indignées dans l'après-midi.
Le politique et militant associatif Jean-Luc Roméro a ainsi publié ce message : «Comment Twitter peut tolérer le déferlement d'homophobie avec #SiMonFilsEstGay ? Et on nous dit que l' #homophobie est une invention !»
Pour Bruno Julliard, autre personnalité politique ayant rendu publique son homosexualité, «lire les tweets #SiMonFilsEstGay, c'est regretter que la fin du monde n'ait pas eu lieu hier.»
Le journaliste et essayiste Joseph Macé-Scaron s'est également indigné :
Un précédent
En octobre 2012, un groupe d'internautes anglo-saxons avait lancé sous le mot-clé #SignsYoSonIsGay, « Les signes que votre fils est gay », un véritable concours de moquerie envers la communauté homosexuelle, avant que cette dernière ne réagisse en détournant le mot-clé à son profit
Le 08 fevrier 2013 - Najat Vallaud-Belkacem et les associations Inter-LGBT s'attaquent à la prolifération de tweets homophobes.
C'est une première. Le gouvernement, les associations Inter-LGBT et Twitter seront assis autour d'une même table, ce vendredi 8 février. La porte-parole du gouvernement Najat Vallaud-Belkacem avait déjà tenté une fois d'organiser une réunion, le 7 janvier. Sans succès.
La cause ? L'absence de Twitter, justement.
C'est le directeur des affaires juridiques de Twitter, Alexander Macgillivray qui représentera le site de micro-blogging. Le but de cette réunion est, pour Najat Vallaud-Belkacem, de "prévenir la prolifération des messages de haine sur le réseau social", et plus particulièrement les propos homophobes.
Twitter face à la justice française
Entre octobre 2012 et janvier 2013, les hashtags #unbonjuif, #unbonmusulman, #unjuifmort, #simonfilsestgay, entraînent une vague de propos antisémites, racistes, homophobes. Des associations, comme l'Union des étudiants juifs de France (UEJF) et SOS Racisme, demandent alors à Twitter de retirer et supprimer les tweets "haineux".
Faute d'une réponse suffisante de Twitter, les associations décident de passer à la vitesse supérieure et de poursuivre le site de micro-blogging devant la justice française. Le Tribunal de grande instance de Paris ordonne, le 24 janvier, à Twitter de communiquer les données permettant d'identifier les auteurs de tweets racistes ou antisémites. L'entreprise américaine doit également aménager sa plateforme afin de proposer un dispositif de signalement. Une victoire qui peut avoir des conséquences sérieuses sur l'avenir du réseau social.
C'est la position du site américain, qui décidera ou non de se conformer à la décision de justice, qui sera au centre de la discussion, selon Fleur Pellerin, sur Canal Plus le 7 février.
Au-delà de la volonté du gouvernement de s'assurer que Twitter respectera la décision de justice, un autre enjeu plane, plus économique : l'installation et l'ouverture du bureau français du site de micro-blogging, annoncé fin 2012.
SOS Racisme et l'UEJF, les grands absents
Seules les associations Inter-LGBT ont été conviées à la réunion. Ni SOS Racisme, ni l'UEJF ne seront présents lors de la rencontre. Une situation qui provoque un certain malaise.
"C'est difficile à comprendre et c'est un peu étrange", confie la porte-parole de SOS Racisme au "Nouvel Observateur". "Evidemment, combattre l'homophobie sur internet est important. Mais pourquoi ne pas convier toutes les autres associations autour de la table pour parler des propos haineux de manière globale ? Surtout que, pour une fois, Twitter sera présent."
Contacté par "le Nouvel Observateur", le cabinet de Najat Vallaud-Belkacem assure que "tous les propos haineux publiés sur le site de micro-blogging seront discutés avec Twitter, et pas uniquement les tweets homophobes, qui n'ont jamais fait l'objet de poursuites". Le cabinet ajoute que Najat Vallaud-Belkacem a organisé cette réunion dans le cadre de sa mission contre l'homophobie.
En ce qui concerne l'absence de SOS Racisme et de l'UEJF, "c'est parce qu'elles sont en procès avec Twitter qu'elles n'ont pas été conviées".

Une loi Taubira sur les "droits et libertés numériques" début 2014 au plus tard
Ne l'appelez pas "loi Twitter", ni "loi sur la neutralité du net", ni "loi Loppsi"... car il s'agira d'un peu de tout cela à la fois.
Ce projet de loi sur lequel travaillent à la fois le ministère de l'Intérieur et la Garde des Sceaux, sera présenté au Parlement par Christiane Taubira, "début 2014 au plus tard", selon le calendrier arrêté par Matignon.
S'inscrivant dans un contexte d'actualité où, analyse le gouvernement, "plusieurs affaires récentes ont montré qu'il [est] toujours difficile de faire appliquer les principes du droit français, même pour des services utilisés par des millions de [Français]" - polémiques autour des hashtags Twitter, suivez-notre regard - cette loi un peu fourre-tout abordera plusieurs points.
> Le renforcement des pouvoirs de la CNIL
Rien de concret pour l'heure sur ce point, le gouvernement affichant une grande volonté un brin générale : "Renforcer les droits des personnes vis-à-vis des fichiers contenant leurs données personnelles."
En sous-titres, Matignon assume totalement mener, sur ce point, une fronde ouverte contre Bruxelles et son "règlement européen sur la protection des données", et notamment le principe dit du "guichet unique", qui veut que la réglementation en matière de données personnelles s'applique, à l'échelle européenne, dans le pays dans lequel une multinationale a établi son siège principal – soit, concrètement, le fait que la législation irlandaise s'applique aux données stockées par Facebook, par exemple.
> De nouveaux fichiers de police
Ce projet de loi comportera également une entrée "police", avec une double volonté : "élargir les possibilités d'accès direct [...] aux données nominatives", mais également faciliter "la mise à jour des [fichiers] à partir des décisions judiciaires". Autrement dit : on fiche un peu plus, et de manière un peu plus coordonnée entre l'Intérieur et la Justice, mais le citoyen doit pouvoir y accéder plus facilement.
>"Contrôler" les mesures "de coupure ou de filtrage"
C'est, pour l'heure, un point qui n'est absolument pas développé sur la feuille de route du gouvernement, et qui tient en une petite ligne dans le document public diffusé à l'issue de la conférence.
Le gouvernement promet qu'un "contrôle indépendant sera institué pour les mesures aadministratives de coupure ou de filtrage", une revendication que le PS défendait dans le cadre des débats sur la loi dite "Loppsi".
> Une loi sur la neutralité du net
Attention terrain miné. Ainsi que l'esquissait Slate.fr dès le 27 février, Matignon évoque, dans sa feuille de route numérique, l'éventualité de légiférer sur la question de la neutralité du net.
C'est une éventualité tellement hypothétique que, dans le document discuté par les douze ministres réunis autour de Jean-Marc Ayrault, elle est énoncée sous condition :
Si, après l'avis du Conseil national du numérique sur la neutralité de l'internet, un manque juridique est constaté pour la protection de la liberté d'expression et de communication sur internet [alors] le gouvernement proposera des dispositions législatives.
En sous-titre, il faut clairement voir la volonté de Matignon de faire de la question de la neutralité du net, en plus d'une question économique – ce que Fleur Pellerin reconnaissait à l'occasion de l'affaire Free – une vraie question de libertés publiques.
Et une manière soft de faire comprendre au nouveau CNNum ... qu'il serait bien inspiré de prendre, sur le sujet, une position maximaliste.
>>> Côté making-of de cette loi, plusieurs éléments à relever :
> Christiane Taubira Manuel Valls >> Fleur Pellerin
Le gouvernement a déjà largement engagé ce déplacement vers le ministère de la Justice et de l'Intérieur de la problématique juridique du traitement du numérique, qui échappe ainsi à Fleur Pellerin, ministre notamment chargée du numérique, mais également des PME, et rattachée à Bercy.
Ainsi, la réception de représentants de Twitter, en toute discrétion, au ministère de l'Intérieur, le 7 février, dans la foulée d'une opé' de communication organisée par Najat Vallaud-Belkacem, signait-elle déjà une reprise en main du travail de fond sur le sujet par les cabinets de Manuel Valls et Christiane Taubira.
> Gouvernement > Sénat
En annonçant ce jeudi 28 février un projet de loi sur le sujet, le gouvernement tue également dans l'œuf l'esquisse de travail lancée par la sénatrice EELV Esther Benbassa sur le sujet qui, dans plusieurs entretiens parus avec des sites spécialisés, a annoncé sa volonté de constituer un groupe de travail sur le sujet de "la liberté d'expression" sur internet.
"Elle ne nous a pas contacté sur ce sujet", indique Matignon sur ce point, quand Esther Benbassa, contactée par Le Lab, regrette clairement se faire prendre de vitesse par le gouvernement.
"Ca devient une habitude de ne pas faire confiance aux parlementaires", s'agace la sénatrice, qui indique que la porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, avait pourtant témoigné un grand intérêt à sa démarche.
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